Trésor de février

« Il ne voulait perdre aucun détail de ce qu’il allait voir.

Il approcha la torche du trou informe et inachevé, et reconnut qu’il ne s’était pas trompé : ses coups avaient alternativement frappé sur le fer et sur le bois.

Il planta sa torche dans la terre et se remit a l’œuvre.

En un instant, un emplacement de trois pieds de long sur deux pieds de large à peu pres fut deblayé, et Dantès put reconnaitre un coffre de bois de chene cercle de fer ciselé.

Au milieu du couvercle resplendissaient, sur une plaque d’argent que la terre n’avait pu ternir, les armes de la famille Spada, c’est-à-dire une épée posée en pal sur un écusson ovale, comme sont les écussons italiens, et surmonté d’un chapeau de cardinal.

Dantes les reconnut facilement : l’abbé Faria les lui avait tant de fois dessinées !

Dès lors, il n’y avait plus de doute, le trésor était bien là on n’eut pas pris tant de precautions pour remettre a cette place un coffre vide.

En un instant, tous les alentours du coffre furent deblayés, et Dantès vit tour a tour apparaitre la serrure du milieu, placée entre deux cadenas, et les anses des faces latérales; tout cela etait ciselé comme on ciselait a cette époque, ou l’art rendait precieux les plus vils métaux.

Dantès prit le coffre par les anses et essaya de le soulever: c’était chose impossible.

Dantès essaya de l’ouvrir : serrure et cadenas étaient fermés; les fidèles gardiens semblaient ne pas vouloir rendre leur trésor.

Dantès introduisit le coté tranchant de sa pioche entre le coffre et le couvercle, pesa sur le manche de la pioche, et le couvercle, après avoir crié, éclata.

Une large ouverture des ais rendit les ferrures inutiles, elles tombèrent à leur tour, serrant encore de leurs ongles tenaces les planches entamées par leur chute, et le coffre fut découvert.

Une fièvre vertigineuse s’empare de Dantès: il saisit son fusil, l’arma et le plaça près de lui.

D’abord il ferma les yeux, comme font les enfants, pour apercevoir, dans la nuit étincelante de leur imagination, plus d’étoiles qu’ils n’en peuvent compter dans un ciel encore éclairé, puis il les rouvrit et demeura ébloui.

Trois compartiments scindaient le coffre.

Dans le premier brillaient de rutilants écus d’or aux fauves reflets.

Dans le second, des lingots mal polis et rangés en bon ordre, mais qui n’avaient de l’or que le poids et la valeur.

Dans le troisième, enfin, à demi plein, Edmond remua à poignée les diamants, les perles, les rubis, qui, cascade étincelante, faisaient, en retombant, les uns sur les autres, le brut de la grêle sur les vitres. »

Extrait: Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas

Bonne semaine!

Roxanne