Vert éphémère

Le vert de l’été migre, se transporte en formation comme les oies se dirigent vers le Sud. Je sais qu’il s’en va, mais pour le moment, il est là, vibrant et infatigable.

Si je regarde bien je vais voir quelques feuilles mortes. Elles ne me font pas peur. Je sais le sort réservé à cette verdure éphémère. Les beaux verts ne durent pas toujours.

On dit que le vert est plus vert encore chez le voisin. Ce n’est pas le cas. Tous les verts sont égaux devant leur date de tombée. Tous les verts aspirent à l’éternel. Tous les verts se camouflent les uns derrière les autres, jusqu’au moment fatidique de leur grande transformation.

Le vert forêt se prépare pour une randonnée. Le vert sauge me donne envie de passer la journée à cuisiner un repas d’automne, familial, rassembleur. Le vert poireau évoque ce détective dont j’ai envie de lire les livres. Le vert opaline me fait penser à François Pérusse (Ça c’est une opale, ça c’est une agathe). Le vert sapin me rappelle les fêtes, le vert lichen les étés au chalet. Le vert pomme m’invite à croquer alors que le vert kaki me pousse à me cacher. Je ne connais pas le vert amande mais j’ai envie de le cueillir et de l’éplucher pour voir ce qui se trouve à l’intérieur. Le vert épinard est vitaminé et le vert pistache est glacé.

L’inévitable s’invite. Dans quelques semaines, ce vert me manquera. Il se sera diffusé, pigmenté, absenté. Il se sera volatilisé.

Quant à lui, le vert feuille de mon balcon s’essouffle. Il est en fin de course, et passera sans problème la ligne d’arrivée, après quoi il aura terminé sa tâche de fin d’année. Exténué, il baissera les bras.

Je connais son sort. Dans quelques semaines, il ne faudra qu’un bon vent pour faire tourner des feuilles détachées. Libérées, elles voyageront d’un quartier à l’autre avant d’atterrir sur la pelouse d’un jardinier. Le vert que j’ai tant admiré devra, lui-aussi, être ramassé.

Bonne semaine!

Roxanne